mercredi 25 septembre 2013

Rush




















Cars & Girls

"Les hommes adorent les femmes, mais ils adorent encore plus... les bagnoles !". C'est ce que le gars, en pleine euphorie, les bras en l'air, dit au début du film.

Certes, mais ce n'est pas une raison pour penser qu'aimer "les bagnoles" c'est être un gros con. Où l'on se rend compte justement que Rush n'est pas un film sur les bagnoles. Pas seulement je veux dire. Une bonne raison de ne pas refuser d'aller le voir, parce qu'une fois que vous aurez vécu 123 minutes de cette aventure humaine accroché à votre siège et essoufflé, vous n'aurez plus la même vision des hommes qui aiment les "bagnoles".

Attention, je n'ai pas dit que vous aimerez les bagnoles, j'ai juste dit qu'il y a plein de façons d'être essoufflé, quand on est ouvert d'esprit. Ou comme le dit la promo du film : "Everyone's driven by something" (je ne traduis pas, c'est impossible).

Au vieil adage qui veut que plus la voiture est grosse, plus la puissance sexuelle de son propriétaire est petite, Ron Howard, grand gosse pour l'Eternité mais pas gamin pour autant, oppose la simple démonstration flamboyante d'une histoire vraie : la rivalité et les péripéties en 1976 de deux pilotes de Formule 1  de légende, le scientifique Autrichien Niki Lauda face au volcanique Britannique James Hunt.

Bien sûr, le premier manque de gâcher son bonheur de couple à cause de son obsession de la perfection et son talent militaire pour gagner ; et le deuxième a un physique de rugbyman et la gueule du gars qui peut tomber une hôtesse dans un avion et une infirmière dans une infirmerie juste en la regardant comme ça - c'est d'ailleurs ce qui se passe dans le film.

Oui, deux gros cons quoi... Pas du tout ! Deux êtres humains, pas invivables, pas cons, pas bêtes, pas "beaufs". Ils n'aiment même pas les bagnoles ces deux-là, c'est dire. Ce qu'ils aiment, c'est atteindre leur but (Niki Lauda) et vivre comme s'ils allaient mourir demain (James Hunt). Les bagnoles ils s'en foutent. Bref, deux gars intelligents, avec plein d'humour (là je parle de James Hunt, pas de Niki Lauda). Deux bons fils de famille qui auraient pu hériter de leur papa et devenir avocat ou médecin. Mais non, ils ont choisi de risquer leur vie à 300 à l'heure à l'époque où 8 % des pilotes de F1 mouraient sur un circuit chaque saison.

Oui Monsieur le Président, en vérité je vous le dis, ces hommes ne sont pas coupables ! Et ils n'ont même pas la tare d'avoir une voiture de 500 chevaux sous les fesses parce qu'ils n'auraient aucun succès avec les filles, c'est plutôt le contraire, alors vous voyez !

En définitive alors, pourquoi faire un film intellectuel avec des bagnoles et pas dans une barque sur un lac avec des fleurs au bord ?

Pourquoi, parce que pendant deux heures, c'est une démonstration de cinéma : la démonstration que faire un film de bagnoles n'est pas faire un film pour les cons, la démonstration que oui, une course de voitures peut être racontée avec une réelle écriture cinématographique qui n'aurait même pas besoin de se servir de l'humanité cachée dans la caboche des pilotes tenant le volant des McLaren, des Ferrari, des Ligier, des Lotus, des Tyrell.

Parce que la poésie est dans tout, dans les bagnoles aussi. Surtout quand on les filme aussi bien. De bout en bout, comme jamais, Rush vous plonge méthodiquement dans le mariage impossible de l'homme et de la machine, dans la violence du métal et le vrombissement des chevaux. De près, de loin, mais souvent de près, en gros plans, en vibrations, avec un nombre de plans incalculable, de la pluie, du goudron, de la gomme, des vapeurs, encore de la pluie, de la peur, et toujours les hommes s'accrochant à leur volant, s'évertuant à vouloir faire corps avec l'acier.

Et se retrouvant, comme Niki Lauda après son accident, un tube de métal enfoncé dans les poumons, charcuté sur un brancard comme on ferait une révision à une Ferrari.

La lumière est d'époque, les publicités sur les circuits sont d'époque, les couleurs sont d'époque, les femmes sont d'époque, la folie est d'époque, même le grain qu'on pourrait croire venir d'une pellicule 70 mm est d'époque. Je vous parle d'une superbe plongée dans les seventies, quand c'était forcément mieux que maintenant, parce que dans les virages du Nürburgring, les Formule 1 avaient encore le droit de quitter l'asphalte sur quelques mètres, parce que des James Hunt étaient prêts à mourir pour arriver à gagner une course, parce que des Niki Lauda pouvaient se retrouver enfermés dans leur habitacle en feu et reprendre le volant quelques semaines plus tard avec une oreille en moins et la peau de leur cuisse greffée sur leur front. Et toujours pas de barrières de sécurité.

Si vous n'aimez pas les bagnoles, vous aimerez au moins le film. Moi j'aime les deux.



Rush, de Ron Howard.
Avec Chris Hemsworth, Daniel Brühl, Olivia Wilde, Alexandra Maria Lara.